Ce long et rude hiver qui s’est abattu sur nos pauvres carcasses ne s’est pas contenté de geler la Seine, il en a aussi profité pour glacer mes relations avec Salis. Les réflexions répétées de Monseigneur Rodolphe ont fini de me chauffer les oreilles (Dieu le bénisse ! Avec ce froid il m’a peut être évité un rhume de cerveau) au point que j’en ai claqué la porte du Chat Noir et ses moustaches. Mais rassure-toi loyal anagnoste, la loi des vases communicants a fait son oeuvre : quand se ferme une porte, s’en ouvre une autre, et dans mon cas celle de l’auberge du Clou sur l’avenue Trudaine. J’y officie aujourd’hui comme tapeur à gages, certes pour un maigre salaire, mais salaire tout de même, primordial en cette période de disette qui s’éternise.
Du Clou, outre sa plaisante clientèle, j’affectionne particulièrement sa terrasse vitrée qui avance sur le trottoir. Entre deux mélodies frivoles, j’aime m’y assoir pour y chopiner. A ce propos, il y a quelques jours, alors que j’étais en pause à ma chère terrasse (avec vue à ma droite sur la rue des Martyrs, à ma gauche sur la rue Lallier) et que j’utilisais mon temps et un crayon pour gribouiller sur la nappe en papier un petit dirigeable malfaisant, une voix me demanda la permission de s’assoir à ma table.
Je levais les yeux et aperçus un homme portant le bouc et un chapeau couvrant un grand front, signe d’intelligence ai-je ouïe dire. Cet homme m’apparut sympathique et me plut immédiatement.
« Achille-Claude Debussy » se présenta-t-il.
Ce premier prix de Rome et moi devisâmes un bon moment. Le fait est que nous avons beaucoup d’aspirations communes. Ses idées, une certaine vision des choses et son anticonformisme musical même si encore trop conforme à mon goût me ravissent.
Nous avons prévu de nous revoir. Peut-être deviendrons-nous même amis ?
Ce mois-ci, j’ai terminé la composition de ma 3ème Gnossienne et m’attaque à la 4ème.
En parallèle et en collaboration avec Mon Ami de Latour, nous travaillons à un ballet chrétien en trois actes : Uspud.
Épatons le public ! Épatatons ces beaux imbéciles des institutions musicales.
Il est probable que prochainement je dusse déménager encore.
En épitaphe à ma porte il y aura : « Faute de revenus, il partit. »
Je garde espoir de pouvoir loger à la même adresse, mais cette fois dans le local du rez-de-chaussée. Prions que le propriétaire accepte de louer cette toute petite pièce à ma toute petite personne avec sa toute petite bourse … qu’il est temps d'ailleurs que j’aille remplir de quelques sous.
Ce cher Debussy |
C'est vrai, Satie était très ami avec Claude, au début si, mais plus tard, ..... quel caractère de cochon cet Erik
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